larevue* 2017 (*des arts du langage, et quelques autres)

 

Revue annuelle née en 2013, larevue* est un laboratoire de langues à l’entrée duquel un épigraphe de Paul Valéry tient lieu de sentence du Dante (« Il y a en moi quelque faculté plus ou moins exercée, de considérer, – et même de devoir considérer – mes goûts et mes dégoûts comme purement accidentels. »). Toi qui entre ici, énoncent donc les aèdes associés, abandonne tout espoir d’y trouver une cohérence forcée, ou trop cérébrale, c’est la vie qui est en jeu entre ces pages. C’est le jeu qui tient lieu de fondations, et les auteurs sont des bâtisseurs folâtres. D’où ce bâtiment audacieux. Ils ont placé les architraves à leur guise, et là les cryptes et les greniers comme autant de pièces indépendantes. Ils sont libres et cela se sent. On passe ainsi du « Paris-Manuel (extrait) » de Daniel Pozner (« Disons-le d’emblée (sur ton cheval !) : disparition./ Point d’exclamation. ») aux vers de Véronique Vassiliou, d’Antoine Bréa ou de W. B. Yeats.

 

Cet aimable bouquet garni pourrait être le pendant expérimental et poétique de La Moitié du fourbi dont la thématique serait un peu effacée – quoique lisible entre les lignes. La variété des choix esthétiques qui composent le patchwork de larevue* a ainsi de quoi surprendre mais on a très vite une assurance, c’est qu’il se trouve là notre « contemporain » à tous et qui il y a de fortes chances que ces vers transgénérationnels prescrivent sa dose de notre époque à tout demandeur. Des « électrons libres » y oeuvrent, certes, mais ils portent ce que collectivement nous donnons aux temps à venir sur la foi des temps qui sont passés. Il est assez passionnant de se pencher sur ces poèmes qui deviennent au fond des « histoires » de nous, depuis cette « muse blonde/ dans le tram 81 aux yeux si limpides// étudiants/ en recherche graphique/ Cousine de…/ fille de … », sur le journal indolent de Gérard Pesson (« Je lis que la mode virile des barbes de trois jours est une plaie pour Gillette et consort. »), sur les petites interrogations métaphysiques en forme d’origami de Sarah Carton de Grammont… S’il s’agit de « Produire de la littérature », les auteurs de larevue* sont à leur affaire, sans trop de réserves ou d’empêchements.

 

Pour alimenter tous les sens, chaque numéro porte encore deux portfolios d’illustration. Le numéro de 2017 présente les monstres de Rodrigue Marquès de Souza et le « Noir profond des pupilles » de Mélanie Delattre-Vogt, qui semble ne guère hésiter elle non plus avec ses visions. Elle peint à l’aquarelle, au sang et au crayon gris sur papier.

 

Éric Dussert