Michel Ciment (1938-2023)

Michel Ciment avant l’enregistrement du Masque et la Plume le 15 novembre 2012 @ LPLT / Wikimedia Commons

 

La voix s’était voilée mais la fermeté du propos restait intacte : en ce dimanche 24 septembre, Michel Ciment participait à son ultime Masque et la Plume dont il fut pendant plus de 40 ans l’un des piliers. Pour une dernière fois il put dire la beauté des Feuilles mortes d’Aki Kaurismaki.

 

Le 13 novembre, après l’hommage que lui rendit le Festival Lumière de Lyon, il disparaissait et avec lui une érudition cinéphilique hors pair, son goût pour un cinéma qui savait allier l’exigence et l’accueil d’un public large, ses accents batailleurs aussi : jamais il ne s’interdisait une pique contre les amis/ennemis des Cahiers du cinéma (ligne de front qu’il étendait au Monde, Libération, Les Inrockuptibles) ravivant une bataille ancienne dont il se plaisait à rester un des combattants.

 

Avec des accents d’hier, il rejouait ainsi la fameuse querelle avec la revue Positif fondée en 1952 par Bernard Chardère : quelques années après un premier article en 1963 sur Le Procès d’Orson Welles, il devint membre de la rédaction de Positif – il faut ici se souvenir d’autres plumes notables, Gérard Legrand, Robert Benayoun, Roger Tailleur, Jean-Paul Torok… – avant de s’imposer comme directeur de la publication.

 

À la tête de cette revue qui a la chance d’être propriétaire de son titre, il affronta bien des aléas et difficultés financières, des changements d’éditeurs : parmi d’autres, P.O.L. et Jean-Michel Place avant de trouver abri dans une co-édition Actes Sud/Institut Lumière. Jean-Michel Place se plaignit, quelque jour, de l’intransigeance de la rédaction quant au choix de la couverture : « pas assez vendeuse ».

 

N’est-ce pas cette intransigeance cependant qui permet à Positif de conserver aujourd’hui encore son aura de grande revue ? Une exigence et une ferveur qui a nourri les ouvrages essentiels que Michel Ciment consacra au cinéastes qu’il aimait : Francesco Rosi, John Boorman, Stanley Kubrick, Joseph Losey…

 

Soixante ans d’amour et d’écriture du cinéma dont les feuilles ne mourront pas de sitôt.