Artichaut n° 3 : une mise au point

Le point scinde.

Justine Granjard écrit en ouverture du 3e numéro d’Artichaut : « il marque une fin qui engendre un nouveau départ, il débute au moins autant qu’il termine. Son fonctionnement, comme sa géométrie, est circulaire. » Il inaugure en même temps qu’il clôt. Il constitue le point de départ d’une pensée qui coule, avance, se reprend. Cette terminaison qui commence, à moins que ce ne soit le contraire, inspire un numéro qui compose une sorte de trame pointilliste.

À la manière des œuvres de Jean-Paul Morrel Armstrong qui déstructurent le réel et le recomposent : multitude points qui en floutent les formes, manières d’estompages, en même temps qu’ils en révèlent d’autres contours, y ordonnent d’autres logiques.

Jean-Paul Morrel Armstrong, « Narcissus Drowning », 2017

Ce numéro adopte une tonalité plus appuyée, plus incisive. Comme si l’arrêt du point, le recommencement qu’il induit, impliquait une fermeté radicale. Un point c’est aussi une rencontre, surtout peut-être. Il y a quelque avantage à se voisiner : dans la « cabane » d’Ent’revues au Marché de la poésie, dans les allées du Salon de la revue. Qui y aura traîné ses guêtres, aura vu Justine Granjard en grandes conversations avec Frédéric Fiolof, animateur de La moitié du fourbi. Quelque complicité y sera née ou s’y sera renforcée, et le voici invité de ce numéro.

En ouverture on peut lire un texte surprenant, en grande part autobiographique, qui a surpris Artichaut qui imaginait recevoir un texte aux tonalités toutes oulipiennes. Que nenni ! Son Instant T débute ainsi :

« La dernière digue a lâché. Je suis.

L’humble orphelin selon l’ordre des choses.

            L’ordre des mots.

            1 = 1 = 0. »

Il constitue une suite, un enchaînement. Un intime reconsidéré, médiatisé, prend forme dans ce texte qui, nous apprend-on, connaîtra une suite. Les textes choisis par Artichaut organisent et désorganisent des séquences, proposent des variations, des entrées dans des langues ou des réels disjoints. On notera particulièrement les textes d’Emmanuel Charreau ou d’Elsa Hieramente.

Ce numéro semble constituer comme une charnière. Peut-être parce qu’après le 2e numéro, il faut inventer un chemin, que la ponctualité s’estompe, qu’il faut appliquer un mouvement, pérenniser une dynamique. Essai réussi, objet toujours aussi élégant… Point de départ ? Point de retour ? Les deux peut-être.

 

Hugo Pradelle.

 

NDLR : ce compte rendu du no 3, le 3 janvier 2019, constitue un rattrapage, un tardif bonbon de chocolat de Noël. Le quatrième numéro d’Artichaut est sorti en novembre 2018. Peut être quelques lignes le 4 avril ?