Rester vigilants : Communications n° 107 et Écarts d’identité n° 135

Comme si les savoirs s’ajoutaient, mécaniquement…

 

Comme si le partage d’intelligence s’amplifiait des réseaux et canaux d’information démultipliés…

 

Comme si le progrès, ah Le Progrès !, était chose acquise, allait de soi…

 

Ce seraient des vœux pour toutes les années qui commencent. Mais sans cesse sur le métier remettez votre ouvrage : les libertés, les victoires sont fragiles, l’actualité mondiale nous le rappelle sans cesse. Les revues, dans leur patient travail, lorsqu’elles ne défrichent pas, repassent désherber des sentiers parcourus.

 

Ainsi, deux publications parues à la fin de la funeste année 2020, viennent, depuis l’anthropologie et la militance, le travail de terrain, nous parler de racisme.

 

 

La première, Communications, publiée par l’EHESS-CNRS, nous propose de penser une (re)définition du racisme, remontant aux origines de la notion de race par la biologie et la génétique actuelles (Évelyne Heyer et Pierre-Henri Gouyon), poursuivant par « Une naissance du racisme moderne au XVe siècle » (Jean-Frédéric Schaub) puis « Circulations et usages socio-politiques de la notion de race du XIXe siècle aux années 50 » (Carole Reynaud-Paligot) et « Science des races et discours anti-“racistes” au musée de l’Homme (1930-1960) » (Claude Blanckaert). Ceci recadre la notion, la reprécise, et permettra d’aborder ensuite les articles qui, chacun abordent des situations de racisme(s) concernant de larges groupes (l’antisémitisme dans ses permanences et son renouveau en France, par Nonna Mayer ; couples interraciaux au cinéma, par Léonard Cortana ; l’antitsiganisme, « Un racisme sans nom » pour Ilsen About, un éternel retour – dans sa dimension politique – pour Grégoire Cousin et Julie Lacaze ; stigmatisation et exclusion de migrantes et migrants, par Claude Calame) ou des pays, des continents (racisme antinoir aux États-Unis, « Emballement ethnico-religieux au Mali », le Rwanda, l’Inde par le prisme des traditions et des nouveautés, la Birmanie, par le biais du nationalisme, le Japon et Guadeloupe/Haïti). Le volume se clôt par un article relatif à la législation antiraciste française, support d’un racisme structurel (Rachida Brahim), et « Les avocats dans la lutte contre l’islamophobie » (Marwan Mohammed). Au fond, nul espace, nul temps n’y échappe, l’examen reste nécessaire.

 

 

Cet examen, la revue Écarts d’identité contribue à le faire depuis 1992, depuis Grenoble et le Dauphiné et l’engagement d’acteurs de terrain (elle fut créée par l’ADATE, Association dauphinoise pour l’Accueil des Travailleurs Étrangers), pour l’élargir aux témoignages plus lointains, et ceux de contributeurs venus d’autres domaines, où ne déparent pas les sciences humaines, le droit, la politique. La revue est semestrielle et propose un thème (accueil, dignité, réfugiés…) abordés par différents angles. Ce numéro 135 porte le sous- titre terrible « Arcanes de la haine. Racismes et cætera… » Le dossier comprend douze articles, en commençant par Piero-D. Galloro et Abdelkader Belbahri, tous deux sociologues, un entretien avec Carole Reynaud-Paligot (auteure ci-dessus), une audition de Danièle Lochak – GISTI. Puis Yvan Gastaut, historien, évoque la prise de conscience nationale après les évènements de 1973 dans le sud de la France ; Raja-Tikva, association citoyenne d’amitié arabo-juive en Auvergne Rhône-Alpes se présente ; l’Italie est évoquée par le racisme et le néo-colonialisme, par Turi Palidda ; le travail social est l’objet du témoignage de Jeanne Malier qui accompagne des réfugiés – si tant est qu’on leur en accorde le statut ; Herrick Mouafo décrypte un fait divers au bilan lourd, deux adolescents tués, mais qui sera le point de départ d’un travail sur « Identité, territoire et déracialisation de la pensée » avec les jeunes des lieux même. Les derniers articles abordent les attentats djihadistes, le terrorisme, et le terrible néologisme « Dubliner ».

 

Écarts d’identité n’oublie pas la culture et la lecture : neuf ouvrages et six revues sont l’objet de comptes rendus, dont beaucoup de la plume d’Abdellatif Chaouite, le rédacteur en chef qui n’ignore pas ce que « accueil » veut dire.

 

Du voisinage à la géopolitique, du micro au macro, le combat semble sans fin : le travail de ces deux revues n’en est que plus nécessaire.

 

Yannick Kéravec

 

Coordonnées de Communications

Coordonnées de Écarts d’identité (Signalons d’ailleurs sa nouvelle adresse postale : Maison des Passages 44, rue Saint-Georges F-38100 Grenoble)