L’amour des revues de poésie

Maud Thiria est poète et a contribué à de nombreuses revues. Rencontrée lors du dernier Salon de la revue, elle a souhaité partager ses expériences et nous dire l’importance des revues dans son parcours de lectrice et d’artiste. Un texte libre et personnel qui retrace un parcours en même temps qu’il exprime l’importance de ces lieux d’accueil et de partage que constituent les revues. 

 

 

Maud Thiria © Maud Thiria

 

On fait rarement des déclarations d’amour, encore moins aux grandes oubliées qui œuvrent dans l’ombre avec fougue et générosité : les revues.

On a beau écrire depuis un temps indéfini (le « toujours » étant un peu exagéré et énervant), on est seul dans son salon, sa cuisine ou sa chambre à ne pas savoir si cet acte vital pour soi sera un jour accueilli, lu par d’autres. Partagé.

C’est pourquoi il m’a semblé nécessaire et évident de remercier celles et ceux qui ont permis à mes poèmes d’éclore sur un horizon plus élargi que ma table, mon papier ou mon écran.

Mon parcours semé d’embûches ne saurait être un modèle à appliquer pour « réussir » en poésie mais plutôt un témoignage de ce que les rencontres de voix autres peuvent apporter dans ce monde tourné vers lui-même où d’aucuns ne donnent rien de peur d’être pillés ou encore de perdre leurs contacts ou leurs réseaux. Amis poètes qui cherchez le partage et le don, à vous faire connaître mais aussi à connaître d’autres voix avec lesquelles entrer en résonance, les revues sont faites pour vous !

Si je déclare ainsi mon amour aux revues (celles accueillantes et généreuses bien sûr, ce qui est en général le cas), c’est que je leur dois mes premières publications de poèmes. Je pense à la toute première, Le Nouveau Recueil, dirigée par Jean-Michel Maulpoix, mon professeur et directeur de mémoire de Master à la fin des années 90. Invitée à envoyer au comité de rédaction des textes autour de la demeure, j’avais publié ma première série de poèmes intitulée Marche en demeure. Par la suite je serais amenée, à plusieurs reprises, à y publier des poèmes et des notes de lectures sur différents poètes reconnus comme Philippe Jaccottet, Lorand Gaspard et James Sacré. Je réalise aujourd’hui ma chance. C’était au début des années 2000 et il m’a fallu plus de dix ans pour retourner aux revues, en 2016.

J’étais longtemps allée, adolescente, au Marché de la Poésie place Saint-Sulpice, ayant découvert la poésie très jeune, dès l’âge de sept ans grâce à mon père. Habitant le centre de Paris, il m’était facile de m’y rendre chaque année. Et puis les choses de la vie comme on dit ont fait que je me suis éloignée de ce milieu, de l’envie d’une écriture publiée en tout cas et que j’y suis revenue par l’intermédiaire de ma belle-sœur Marie-Hélène Archambaud, elle-même poète et traductrice du suédois. C’était en 2015 et je la voyais très à l’aise à discuter avec les éditeurs qui, grâce à elle, m’apparaissaient plus accessibles. Mais avant d’envoyer des textes suffisamment construits en recueil, il m’a fallu gagner en confiance en moi et c’est à ce moment-là que j’ai eu vent des revues qui fleurissaient en poésie. Cette dernière m’a mise en contact avec les revues Thauma, À verse et Place de la Sorbonne qui ont aimé et publié mes premiers textes. Puis, par le biais d’une amie, Anne Collongues, j’ai été mise en relation avec Sabine Huynh qui était alors au comité de rédaction de la revue en ligne Terre à ciel. En lui envoyant un poème et des « traces de corps » que je réalisais alors, Sabine a tout de suite cru en moi et je suis apparue dans la rubrique Paysage. Je serai présente par la suite, davantage en tant que poète, dans la rubrique Un ange à notre table, pour des poèmes grâce à Cécile Guivarch, des entretiens grâce à Clara Régy, des notes de lecture pour les « Cahiers d’essai » de Florence Saint-Roch avec qui plus tard je devais écrire un livre, Au bout du fil, aux éditions Musimot.

 

 

Et voilà comment les choses sérieuses ont commencé !

De revue en revue, toutes plus différentes les unes que les autres, je me suis sentie plus à l’aise pour montrer mon travail jusqu’au jour où j’ai envoyé ce qui deviendrait mon premier livre de poésie publié, Mesure au vide, aux éditions Æncrages & Co. A partir de là, j’ai continué d’écrire pour des revues en leur donnant soit des textes en cours qui constitueraient de futurs livres, soit des textes écrits exprès autour d’un thème imposé ou non. Il existe une liberté que j’aime en revue et une confiance qui se construit avec ceux qui avec passion les créent et les dirigent. Avec le temps j’ai noué des liens forts avec certaines et maintenant on me demande des textes régulièrement. Je pense notamment à Phoenix et François Bordes, à Nunc qui a maintenant donné place à La forge et Réginald Gaillard, à Teste et Cédric Lerrible qui ont fait et continuent à faire appel à moi.

Que ce soit pour des revues en ligne ou des revues papier (j’ai un faible pour les revues papier qui font un travail admirable de créativité au niveau de l’esthétique et de la mise en forme), je ne peux que louer le travail passionné et acharné de tous ceux qui œuvrent pour que soient lus, rassemblés et partagés des textes d’auteurs reconnus ou totalement inconnus. Certaines revues comme Radical(e) ou Dissonances fonctionnent même sur l’anonymat des textes envoyés. Une communauté autour de chaque revue se construit amenée parfois à se rencontrer lors de soirées de lectures de plus en plus fréquentes. Quelle joie de faire connaissance, au départ par les textes, avec des voix amies qui deviendront peut-être des amis poètes par la suite, quand enfin nous nous rencontrons dans des lieux comme des librairies ouvertes aux revues. Je pense ici notamment au magnifique travail des librairies parisiennes L’Ours et la Vieille Grille et EXC.

La Salon de la revue comme le Salon du livre des éditions indépendantes, l’Autre livre, permet de rencontrer et de découvrir des éditeurs, des créatifs, des revues installées et des toutes nouvelles avec tout autant d’entrain, d’oser les aborder pour leur envoyer des textes. Depuis le dernier salon de la revue en octobre, plusieurs demandes m’ont été faites. Cela ne veut pas dire que mes textes seront retenus mais cela me plaît d’envoyer des textes à des revues fidèles et des toutes nouvelles très engagées. Je suis en train de répondre à plusieurs appels à texte pour la revue Mouche à partir d’une phrase de Laura Vasquez, pour La forge, Cockpit, Rehauts, et Thierry Le Saëc vient de me demander des poèmes pour le prochain numéro de la revue artistique La Canopée.

Ce salon donne à voir une richesse incomparable de tout ce qui se fait en littérature, poésie, échanges d’idées, contre vents et marées, et par les temps qui courent c’est beaucoup de croire encore en cette force créative. Alors ce rendez-vous annuel, croyez-moi, je l’attends impatiemment.

 

Maud Thiria

 

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