Wolfgang Staudt, « Durance » © CC BY 2.0/Wolfgang Staudt/Flickr
Nous voilà aujourd’hui en très bonne compagnie, celle de Jean Giono. Et plus particulièrement, pour ce no 17 de la Revue Giono animée par l’association des amis de l’écrivain mort en 1970, d’un Giono au fil de l’eau. Tel est le thème, en effet, de cette livraison qui se coule une fois de plus dans la prose du chantre inspiré de Manosque : « Giono poète de la matière, Giono précurseur de l’écologie, jamais ces deux figures ne se trouvent plus étroitement liées qu’à travers cet élément profondément ambivalent, tantôt vital, tantôt destructeur, qui lui a inspiré plusieurs de ses plus belles inventions, dramatiques et poétiques : la source tarie, puis revenue de Colline, le fleuve axial du Chant du monde, l’inondation apocalyptique de Batailles dans la montagne, la Durance libre puis domestiquée du film L’Eau vive, entre autres », écrit le rédacteur en chef Jean-Yves Laurichesse en ouverture de cet ensemble qui donne à lire des contributions s’intéressant, notez-le, à différents médiums, l’écriture bien sûr mais aussi l’image (photographie, cinéma).
Outre ce dossier copieux, pointu et richement illustré qui déchiffre le symbolisme de l’eau derrière le pittoresque, cette parution comprend aussi des textes qui viennent, à leur manière, faire écho à l’univers de Giono. C’est le cas du Parfum de la Durance, la nouvelle écrite par un certain Rémy Hatier qui s’est vu récompensé lors de la première édition d’un concours de nouvelles initié en 2024 sous l’ombre tutélaire de Giono ; il y a également un texte inédit (une manière de fable écolo) du décidément très talentueux polygraphe Gaspard Koenig ; dans un autre genre qui ressort, lui, de la création plastique, on découvre aussi le travail d’Ester Tajrychova, une artiste tchèque dont les collages de papiers récupérés donnent vie à des paysages qui rendent poétiquement hommage à L’Homme qui plantait des arbres (1953). Ces contributions sont plaisantes, et d’abord parce qu’elles offrent une respiration littéraire dans un ensemble dont la tonalité est globalement universitaire.
Mais ce n’est pas tout puisque nous avons par ailleurs – et c’est le meilleur de ce numéro selon nous –, quelque trente pages inédites du carnet-journal que Giono a tenu au début des années 60. Ils sont passionnants, ces cahiers de travail – essentiellement « des notes de régie » sur l’œuvre en cours d’élaboration. Pris souvent par des bouffées d’exaspération, Giono y fait régulièrement entendre son point de vue, acide et acéré, sur l’époque, en réaction contre le matérialisme, l’individualisme, le moutonnisme. Morceaux choisis : « L’homme est le moyen que la machine a trouvé pour faire une autre machine » (comment ne pas penser, aujourd’hui, aux implications dangereusement grandissantes de l’IA ?!) ; « On fait facilement de nos jours du grand avec du petit (du faux grand avec du vrai petit). La réclame, la télévision, etc. » (voilà qui n’a guère changé dans notre monde marketo-médiatique où la mauvaise monnaie continue de chasser la bonne…) ; « Combien de gens qui font du sport et combien pour lesquels le sport consiste à aller s’assoir dans un stade pour soutenir de cris stridents telle équipe contre telle autre » (depuis, le supporterisme ne s’est pas vraiment assagi, au contraire…) ; « Que signifie progresser si c’est progresser pour progresser et s’il n’y a pas quelque part dans ce progrès l’atteinte d’un palier (qui serait le bonheur) au-delà duquel il serait inutile de progresser » (que dirait-il aujourd’hui des dérives du progressisme à tous crins…). La présente chronique n’offre qu’une vue bien cavalière sur cette nouvelle publication consacrée à l’œuvre d’un Giono dont le charme, décidément familier, ne se dément pas avec le temps.
Anthony Dufraisse
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Cahier Jean Malaquais (10)
Cahiers Jean Cocteau (9)
Cahiers Max Jacob (8)
Quinzinzinzili (Régis Messac – 7)
Cahiers Yves Navarre (6)
Cahiers André Dhôtel (5)
Peut-être (Claude Vigée – 4)
Les Cahiers Pierre Michon (3)
Le Haïdouc (Panaït Istrati – 2)
Études Romain Rolland (1)
(Image de Une : Wolfgang Staudt, « Durance » © CC BY 2.0/Wolfgang Staudt/Flickr